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éditions du Groupe de L'Ours
autour du lettrisme, des situationistes, de l'Oulipo et la pataphysique
Se dire lettriste toujours, parce que ça fait hurler les chiens.

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Conte deux ] par Antoine Grimaud

Histoire extraordinaire
 du jeune Toto Pipin, haut comme trois pommes, valeureux, malin et timide,
de son oncle par alliance
le perfide Isidore premier,
monarque fourbe, envieux, lâche, cruel,
jaloux, furieux et anxieux,
de la jolie princesse Titi Pinpette,
jolie comme une princesse
mais légèrement dyslexique et affligée d’un
défaut de prononciation à peine perceptible,
de l’ours Ali,
de la chasse,
des moeurs de la cour,
de l’amour naïf,
de l’inceste et de la cuisine.
Conte anagrammatique en 19 chapitres
Juin 1997

à Baloo Letaillieur, ours de compagnie.à François, qui m’a fourni la matière de chacun des chapitres.

Toto Pipin, chasseur haut comme trois pommes, très valeureux, rapporte en sa maison un mammifère carnivore plantigrade de grande taille, au pelage épais, aux membres armés de griffes non rétractiles, au museau allongé. Mais comment fait-il, cet être valeureux certes mais si petit? Comment s'y prend-il du haut de ses trois pommes pour emporter le si gros animal?

Facile, il traîne l'ours.

Nous ne nous étendrons pas sur la chasse elle-même. Sachez seulement que Toto Pipin, chasseur haut comme trois pommes, très valeureux et malin, a su immobiliser le mammifère carnivore plantigrade de grande taille grâce à une corde judicieusement choisie le matin par lui.

Récit final, l'ours a lié.

Sachez aussi que Toto Pipin, chasseur haut comme trois pommes, très valeureux et malin, est un être timide. Il était parti seul à la chasse ce jour dont nous parlons, comme tous les autres jours d'ailleurs dont nous ne parlerons pas, et ne pouvait envisager d'encercler le mammifère carnivore plantigrade de grande taille avant de s'en emparer. Il l'attaqua donc de front comme un chasseur valeureux qu'il était, malgré sa petite taille. D'être malin en plus ne l'aida pas en cette circonstance. Et sa timidité ne le gêna pas. Il n'était timide qu'avec les hommes, pas avec les ours.

A ours cerné, il faillit.

Toto Pipin, chasseur haut comme trois pommes, très valeureux, malin, timide et parti seul à la chasse, est le neveu par alliance d'Isidore premier, maître du royaume. Il aime son oncle avec confiance et affection et lui envoie un récit modeste mais précis de la capture. Sa timidité lui interdit de se présenter à la cour. Bien qu'il soit valeureux et malin, (sa petite taille ne compte pas ici), Nous verrons plus tard qu'il a bien tort d'aimer si tendrement cet oncle par alliance.

Naïf allié, l'ours, écrit.

Isidore premier, maître du royaume, n'aime pas son neveu par alliance, Toto Pipin, chasseur haut comme trois pommes, très valeureux, malin, timide et parti seul à la chasse. Ses ancêtres maures ont conquis ce petit royaume entre la Lombardie et la Vénitie. Le monarque est fourbe, envieux, lâche et cruel. Il jalouse l'exploit de son neveu par alliance, Toto Pipin, chasseur haut comme trois pommes, très valeureux, malin, timide et qui va seul à la chasse. Il est furieux de sa gloire possible, anxieux du pouvoir qu'il pourrait prendre dans le cœur de ses sujets. Il feint de ne pas croire son récit et l'accuse d'affabuler sottement.

Calife rital nie l'ours.

Le perfide Isidore premier, monarque fourbe, envieux, lâche, cruel, jaloux, furieux et anxieux, fait rire les courtisans (vils courtisans forcément, comment peuvent-ils courtiser un monarque fourbe, envieux, lâche, cruel, jaloux, furieux et anxieux?) en ridiculisant son neveu par alliance, Toto Pipin, chasseur haut comme trois pommes, très valeureux, malin, timide et parti seul à la chasse. Il ne serait selon lui qu'un imaginatif rêveur n'ayant jamais rencontré si gros animal. Il ne veut plus jamais entendre parler d'ours! Isidore premier prétend même (c'est vous dire s'il est fourbe, envieux, lâche et tout le reste en plus!) que seul quelque oiseau migrateur des champs et des près, voisin de la perdrix, a vu passer une flèche loin de lui.

Ours fin. Tire la caille.

 

 

F A C I L E I L T R A I N E L O U R S
R E C I T F I N A L L O U R S A L I E
A O U R S C E R N E I L F A I L L I T
N A I F A L L I E L O U R S E C R I T
C A L I F E R I T A L N I E L O U R S
O U R S F I N T I R E L A C A I L L E
I L A F L A N E R I C I T E L O U R S
S A F I L L E R I N C A I T E L O U R
L O U R S F I E R L A C I T A L I E N
E N F I A C R E A L I L O U R S L I T
T I R A I L L E L O U R S F I A N C E
A L A F I N L O U R S I L R E C I T E
I L E R E F A I T L O U R S C A L I N
L A I T R A N C E I L F I L E O U R S
L O U R S C R I A I L L A F E I N T E
I L C R I A E T E N F I L A L O U R S
E N F A I L L I T E C R I A L O U R S
U N O R S F R I T L A I E C A I L L E
R E L I T A L I C E O U R S L A F I N

Le perfide Isidore premier, monarque fourbe, envieux, lâche, cruel, jaloux, furieux et anxieux, se moque de son gentil neveu par alliance, Toto Pipin, chasseur haut comme trois pommes, très valeureux, malin, timide et parti seul à la chasse. Il exige que tous les courtisans, (Dieu qu'ils sont vils d'accepter cette mascarade!), prétendent qu'il n'a fait que se promener au hasard en s'abandonnant à l'impression et au spectacle du moment; qu'il a exprimé sa gaieté par l'élargissement de l'ouverture de sa bouche, accompagné d'expirations saccadées, plus ou moins bruyantes; qu'il a imaginé l'aventure d'après quelque récit mal lu.

Il a flâné, ri, cité l'ours.

La jolie princesse Titi Pinpette, jolie comme une princesse mais légèrement dyslexique et affligée d'un défaut de prononciation à peine perceptible (et pourtant vous le noterez tout à l'heure), fille d'Isidore premier, monarque fourbe, envieux, lâche, cruel, jaloux, furieux et anxieux, est dans sa chambre. Elle a reçu de son cousin par alliance, Toto Pipin, chasseur haut comme trois pommes, très valeureux, malin, timide et parti seul à la chasse, l'ours en cadeau de tendre estime. Elle cache l'animal haï de son père, et le trouve si beau, qu'elle le délivre et décide de lui donner un grand bain parfumé aux essences de fleurs, pour effacer sa grande fatigue.

Sa fille rinçait el our.

Titi Pinpette, la jolie princesse, jolie comme une princesse mais légèrement dyslexique et affligée d'un défaut de prononciation à peine perceptible, fille de qui vous savez maintenant, contemple l'animal allongé dans l'eau bleue de sa baignoire. De tendres souvenirs de sa prime enfance dans les montagnes lui reviennent. Emue, contemplant l'ours, elle se revoit, petite fille, jolie comme une princesse et déjà légèrement dyslexique et affligée d'un défaut de prononciation à peine perceptible, jouer sur la rive du lac d'Iseo.

L'ours, fier lac italien.

 

Titi Pinpette, la jolie princesse, jolie comme une princesse, (ne parlons plus de ses très légères disgrâces), fille de qui vous savez, tombe amoureuse de son nouvel ami qu'elle appelle Ali. Elle l'entraîne pour une tendre promenade dans une voiture à cheval qu'elle a l'habitude de louer à la course, à l'heure parfois. Mais l'ours n'aime pas le paysage qui défile ni le babillage de la jolie princesse, surtout avec ses petits défauts de langage, et il s'empare d'un vieux journal qui traîne sous la banquette. Les ours hélas sont parfois un peu goujat.

En fiacre, Ali l'ours, lit.

Elle est heureuse la jolie princesse. Elle l'appelle mon bien aimé et lui promet un avenir plein de miel et de lait auprès d'elle. Ali hésite. Ses montagnes natales lui manquent déjà. Mais être prince! Cela demande réflexion.

Tiraillé l'ours fiancé.

Jamais elle ne le quitte ni ne le laisse s'éloigner. Pendant ses heures d'étude, elle lui caresse voluptueusement le bout du museau en apprenant par cœur ses poésies. La jolie princesse, légèrement disgraciée dans sa manière de parler, est victime d'une incapacité cruelle à retenir les vers de la fable. Et elle les répète, les serine sans cesse aux oreilles du pauvre animal, tant et si bien qu'à la fin, il peut dire le poème intégralement, avant même qu'elle n'ait pu se souvenir du premier mot.

A la fin l'ours il récite.

Ils passent leurs vacances au large de La Rochelle. Dans la douceur du climat, Ali, qui était excédé au palais par les agaceries de la jolie princesse, légèrement disgraciée dans sa manière de parler et incapable d'apprendre un seul mot, retrouve une grande tendresse pour sa bien aimée.

Ile Ré fait l'ours câlin.

L'infâme Isidore premier, monarque fourbe, lâche, cruel, furieux et anxieux, toujours jaloux de l'animal, envieux de l'exploit de son neveu par alliance, (si vous ne savez plus qui c'est, débrouillez-vous, vous êtes pire que cette pauvre princesse dont vous vous moquiez tout à l'heure), est plus infâme encore que vous ne l'imaginiez. Il est ignoblement attiré et excité par la tendre chair de la jolie princesse, légèrement disgraciée dans sa manière de parler et incapable d'apprendre un seul mot, sa propre fille! Il retrouve sans peine la trace des fugitifs grâce à sa police secrète, infâme police d'un maître infâme. Connaissant la délicatesse naturelle de l'animal, sa gourmandise énorme, il glisse sournoisement dans sa nourriture ce liquide blanc, opaque, très nutritif, riche en graisses émulsionnées, sécrété par les glandes mammaires des femelles des mammifères. Il a eu soin de choisir un litre à l'odeur forte et au goût âcre. Le résultat ne se fait pas attendre. L'ours furieux, oublieux des bienfaits qu'il a reçus de la jolie princesse, (il est vrai hélas que les ours sont parfois un peu goujat), rentre chez sa mère, jurant, mais un peu tôt, que jamais nul ne vit ni ne verra un ours de sa qualité se contenter de si piètre pitance

Lait rance, il file, ours.

L'infâme Isidore premier, monarque inqualifiable, envoie aussitôt sa garde personnelle sur ses traces. Cinquante hommes bien entraînés le font tomber dans un piège perfide tendu sous ses pas. L'animal roulé par les hommes du monarque fourbe, lâche, cruel et bien d'autres choses encore, pousse sans cesse des cris, se plaint fréquemment et d'une façon désagréable, si l'on songe que sa gourmandise, sa mauvaise humeur, sa goujaterie et sa hâte de filer sont responsables de son malheur.

L'ours criailla, feinté.

Tout à sa joie de voir l'animal à lui livré, poussé par ses instincts de monarque fourbe, envieux, lâche, cruel, jaloux, furieux et anxieux, n'ayant jamais pu baiser sa propre fille, la jolie princesse Titi Pinpette, jolie comme une princesse mais légèrement dyslexique et affligée d'un défaut de prononciation à peine perceptible, protégée farouchement par sa mère, la reine sans nom, excité du désir de vengeance, il hurle l'ignoble Isidore premier et viole sur le champ le pauvre animal enchaîné.

Il cria et enfila l'ours.

Le pauvre Ali, meurtri, contrit, soupire à fendre l'âme dans l'humide cachot où on le tient prisonnier. Il sait bien que son destin est triste et sombre son avenir.

En faillite! cria l'ours.

Isidore premier, monarque fourbe, envieux, lâche, cruel et jaloux, ayant vidé ses couilles avec grand plaisir, convoque son cuisinier. Il lui commande un dîner succulent pour bien terminer cette belle journée. Il mangera ce pauvre Ali après qu'il eut été immergé dans un corps gras bouillant;la femelle d'un porc sauvage au corps massif et vigoureux, à peau épaisse garnie de soies dures, vivant dans les forêts et les fourrés marécageux; un oiseau migrateur des champs et des près, voisin de la perdrix. Vous comprendrez en l'écoutant passer son infâme commande d'où vient le très léger défaut de la jolie princesse.

Un ors frit, laie, caille.

Dans sa sinistre geôle, l'humide cachot où on le tient prisonnier, le pauvre plantigrade, sentant sa fin prochaine, trompe sa peur et son angoisse en s'emparant d'un livre qui se trouve là par hasard et que la jolie princesse, avec son léger défaut de prononciation, lui lisait le soir. Il sait bien qu'il n'a que très peu de temps devant lui et commence à suivre les lignes des yeux en les déchiffrant; bien après le milieu de l'ouvrage.

Relit Alice ours, la fin.

Sur F.L

 

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