12 février 2009 :
Soirée de lAtelierLettrista,
par Antoine Grimaud
[Théâtre du temps, 9 rue du Morvan 75011 Paris].
Broutin ma envoyé un mail dinvitation et ça me fait plaisir de retrouver quelques vieux amis.
La soirée comence par une présentation de quatre
vidéos de Nenad Boharevic [ Boule, Tralucére, Stoja et Signor
Peau ] avec de belles images qui mincitent à la rêverie, au
télescopage des souvenirs et citations. Cela débute par la danse dun cercle
sur lécran et lépure mentraîne vers les drôles de films de Norman Mclaren que javais découverts au
festival dAnnecy, en 1965 ou 67.
Le cercle, omniprésent dans tous les films vus ce soir, pourrait-il être un hommage au « tout est rond » de Wolman ? Les images sont ciselées,
découpées, coloriées et travaillées, et pourtant
Une impression de froideur derrière toute cette beauté, dinutilité
peut-être ? Lutilisation des logiciels dont jignore tout permet des
effets visuels plaisants, tenant du kaléidoscope, du dédoublement, de la séparation,
mais cela mennuie un peu. Un il, soudain, se fend, souvenir andalou bien sûr,
mais qui pour moi reste froid, formel, trop mécanique. Jai toujours aimé les
taches involontaires des ciselures, les tremblés des plumes et cutters sur la pellicule,
limage sale et magnifique du Traité de bave et
déternité ou de lAnticoncept.
Tout ceci est un peu trop beau peut-être, un peu trop long sûrement, pas désagréable
à voir, mais plutôt de lordre de la décoration et de lennui en famille.
En seconde partie, Broutin présente deux de ses uvres de 1976, dont un inédit. [Ere isouienne, an 52 et Concerto
pour une bouche et quatre membres ]
Je me souviens avec plaisir des tout
petits poèmes quil écrivait, si courts et percutants, drôles et élégants et je
songe que, dans ce théâtre autrefois consacré au kabuki, ces haïkus modernes
trouveraient toute leur place. Mais ce soir cest une autre face quil nous
présente, dans une uvre plus longue, ciselée, parfois arythmique, ou lon
sent bien le détachement et lélégance d'un auteur peu soucieux de plaire par des
effets trop faciles. Quand la construction seffiloche, transformant une matière
sonore somme toute assez organisée en un ensemble qui se délite et semble partir, à vau
leau, petits éléments qui filent vers le néant et le silence, je nai pu
mempêcher de penser à ces films où lauteur présentait pendant de très
longues minutes une image totalement fixe, ou un noir complet, créant un effet comique
sur son public un peu déboussolé de devoir, en supportant lennui, prouver sa
dignité à être là ?
Mais luvre présentée ce soir nest pas que froide
et dépouillée, et il y a de belles montées, des constructions résolues, des sonorités
troublantes et émouvantes et, lorsque Broutin,
monté sur scène, intervient en direct sur la bande magnétique qui tourne, il y a de
longs moments où quelques spectateurs dont moi laccompagnent avec plaisir et force,
dans un vrai partage démotions. Et je trouve assez épatant ce quil a réussi
là, dans une uvre à la construction rigoureuse, au matériel volontairement
restreint, assez austère, fort éloigné de lamplique : donner lenvie de
le rejoindre et dentrer dans ses cheurs.
Lintervention imprévue dune chatte de passage qui
investit la scène pour nous dévisager sérieusement et avec application, nous les
spectateurs, apporta une note de drôlerie et dhumanité fort plaisante et
appréciée de tout le public. (les photos de cette scène sont de Jean-Paul
Curtay)